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Émergeant des eaux primales avec ses mouvements en "S", formant des spirales ou s'enroulant sur lui-même (tel l'ADN de toutes les cellules vivantes), frappant à une vitesse fulgurante ou s'éloignant habilement en rampant sur son corps sans pattes, disparaissant en un éclair, le serpent entre dans nos mythologies en tant que créateur cosmique, géniteur, destructeur et être sacré.

Cet être ô combien étrange sent du bout de sa langue bifide, entend à travers sa peau, est particulièrement sensible aux vibrations à basses fréquences et aux tremblements de la terre; autant d'aspects qui le lient aux mystères secrets, souterrains et oraculaires de la connaissance.

Ses yeux sans paupières mais couverts d'une écaille transparente ne cillent jamais, évoquant une vigilance surnaturelle (...); de l'oeil du psychisme inconscient qui perçoit ce que la conscience ne peut voir; de l'oeil hypnotiseur du héros légendaire; ou du regard fixe de la mort.

Lorsque le serpent se retire pour muer, signe de renouveau, de renaissance et d'immortalité, son écaille oculaire devient laiteuse, revêtant parfois une couleur opaque bleutée comme si le reptile entrait dans une phase méditative et accédait à un niveau de connaissance au-delà de notre portée.

Son corps à la forme phallique, associé à sa capacité à copuler pendant des jours, voire des semaines, avec un partenaire ou avec cinquante, l'assimile à l'énergie phallique active et pénétrante, à la fécondité et à la puissance.

Vaillants, révélateurs et terrifiants, les serpents jaillissent de terre, de sous un tapis de feuilles ou un lit de pierres, des eaux sombres des rivières ou des ténèbres du psychisme. Leur demeurre mythique, le monde souterrain de morts, est également le terrain fécond d'où émerge la vie nouvelle; un lieu de guérison, d'initiation, de révélation; le royaume de l'ancienne Grande déesse.

Dans les traditions tantriques de l'Inde, l'énergie cosmique féminine de la Kundalini dort enroulée comme un serpent dans le sacrum. Réveillé par la pratique de la méditation, ce serpent, Shakti, s'élève à travers le corps subtil, les deux courants nerveux passant de chaque côté de la colonne vertébrale, traversant et ouvrant les centres d'énergies, ou chakras, avant de s'unir avec Shiva au somment du crâne dans l'extase et la transcendance.

Également consacré à Asclépios, le dieu de la médecine de la Grèce antique, le serpent incarnait le démon ou le génie du médecin et était souvent représenté entortillé autour de son bâton. Les patients se rendaient dans le temple du dieu pour y être guéris par incubation. Ils s'endormaient dans une salle située en son centre; là, les profondeurs les plus intimes du malade pouvaient accomplir leurs potentialités curatives sous la forme d'un rêve. Au cours deson someil, le patient pouvait être visité par le serpent du sanctuaire, emblême d'une force cachée, sombre et froide mais, parallèlement, chaude et radiante, qui agite sous la surface du monde éveillé et accomplit le miracle de la guérison.

On sait aujourd'hui que certaines espèces de serpents possèdent des propriétés médicinales extraordinaires même dans leur venin, qui peut également rendre malade ou tuer.

Le serpent a donc toujours transmis le pouvoir sur la vie et la mort, ce qui en a fait, partout, une forme d'esprit ancestral, le guide du royaume des morts et un médiateur des processus cachés de transformation et de retour.

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